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Que s'est-il passé après la mort du Prophète (Paix sur lui) ?

Dernière mise à jour : 23 juil.


L’objectif de cet article est de comprendre l’histoire sans idéalisme, tout en valorisant les efforts des premiers musulmans et en tirant des leçons pour aujourd’hui.


Les idées vivantes de l’islam face au défi de la réalité


Après la mort du Prophète Muhammad ﷺ en 632, les musulmans ont été confrontés à une situation totalement nouvelle : vivre sans la présence directe d’un messager de Dieu, sans révélation pour trancher les conflits ou guider les décisions collectives. Il fallait désormais mettre en œuvre, dans la réalité, les principes fondamentaux transmis par l’islam.


Ces principes étaient clairs et puissants :


  1. La miséricorde pour l’ensemble de la création.

  2. La justice comme valeur universelle.

  3. La bienfaisance envers tous.

  4. La consultation (shūra) pour gérer les affaires publiques.

  5. Le respect des dirigeants dans ce qui est juste.

  6. La résolution pacifique des conflits par des personnes impartiales.


Mais une question majeure se posait : comment traduire ces principes en institutions stables, durables, capables de faire face aux crises et à la diversité des opinions ?

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Le choc de la disparition du Prophète ﷺ

La mort du Prophète a été un tremblement de terre émotionnel et politique. L’islam avait grandi autour de sa personne : guide spirituel, chef de guerre, médiateur, éducateur, juge.

Très vite, un besoin urgent s’est imposé : désigner un successeur, un responsable pour diriger la communauté.

C’est à la Saqîfa des Banû Sâ'ida que cette question fut débattue. Ce lieu allait devenir le théâtre du premier grand débat politique de l’islam naissant.


Trois visions politiques émergent

  1. Les Ansâr, habitants de Médine, pensaient avoir le droit de reprendre le leadership local, après avoir accueilli et soutenu les musulmans exilés de La Mecque.

  2. Les Muhâjirûn (les Mecquois) insistaient pour que le pouvoir reste entre les mains des Quraychites, tribu du Prophète, seule capable selon eux de rassembler les tribus arabes.

  3. La famille du Prophète, notamment les descendants d’Alî et d’Al-‘Abbâs, estimaient que le pouvoir devait revenir à ceux qui étaient de son sang.


Aucune règle écrite n’avait été laissée par le Prophète ﷺ sur la manière de choisir son successeur, ce qui montre qu’il avait sans doute voulu laisser la communauté libre de s’organiser, à condition de rester fidèle aux principes de l’islam.


Naissance du califat : un système politique embryonnaire

Abû Bakr fut désigné comme calife. Ce choix ne fut pas unanime, mais il fut accepté rapidement par les Compagnons. Ce califat n’était pas encore une institution définie :


  • Pas de mandat précisé,

  • Pas de procédure électorale fixe,

  • Aucune rémunération prévue initialement.


Abû Bakr reprit même son activité de commerçant jusqu’à ce que ‘Umar lui rappelle qu’il devait se consacrer à son rôle politique. Il reçut alors une rémunération pour subvenir à ses besoins.


Cette simplicité montre que les institutions n’étaient pas encore formées. L’esprit tribalo-communautaire dominait encore, même si les principes de justice et de consultation étaient présents.


Un tournant manqué : vers une gouvernance durable ?

Avant de mourir, Abû Bakr désigna ‘Umar comme son successeur, sans débat collectif. C’est une première tension entre la logique tribale (transmission personnelle du pouvoir) et l’idéal islamique de la consultation.

‘Umar ibn al-Khattab dirigea la communauté musulmane pendant dix ans. Sous son autorité, des structures plus solides furent mises en place : un système judiciaire plus organisé, une fiscalité mieux gérée, et des gouverneurs désignés dans les différentes régions. Il renforça l’unité de l’empire musulman naissant et affirma la centralité de Médine comme cœur politique et spirituel de la communauté.

Cependant, malgré son sens de la justice et son leadership reconnu, il ne régla pas la question essentielle de la succession, laissant ce dossier ouvert jusqu’à sa blessure mortelle. C’est seulement à ce moment-là qu’il proposa la création d’un conseil restreint composé de six compagnons (shūrā) chargé de choisir le prochain calife.

Ce sera ‘Uthmân. Là encore, aucune règle de succession claire n’était établie.


Le début des divisions

Les six premières années de ‘Uthmân furent calmes, mais des tensions naquirent ensuite :


  • Critiques des gouverneurs,

  • Accusations de népotisme,

  • Frustrations dans les provinces.


Finalement, la contestation monta jusqu’à Médine. Un embargo fut imposé autour de sa maison, et ‘Uthmân fut assassiné par des insurgés. Un événement traumatisant pour la communauté, qui aurait dû provoquer un débat collectif :

Comment gérer l’opposition ? Comment corriger les abus sans violence ? Comment prévenir les divisions ?

Mais au lieu de cela, la communauté chercha des coupables, des noms, des responsables. La pensée politique resta bloquée. Aucune réforme ne fut engagée.


Guerres civiles : quand les musulmans s’affrontent entre eux

Après l’assassinat de ‘Uthmân, ‘Alî fut désigné calife. Rapidement, deux conflits éclatèrent :


  1. La bataille du Chameau entre ‘Alî et le camp de ‘Aïcha.

  2. La bataille de Ṣiffīn entre ‘Alî et Mu‘âwiya.


Ces affrontements ont été sanglants : des dizaines de milliers de morts. Le choc fut immense. Mais une nouvelle occasion fut manquée :

Pourquoi n’a-t-on pas réfléchi à des outils de prévention des conflits ? Où étaient les mécanismes de médiation ? Pourquoi l’opposition fut-elle considérée comme une trahison et non comme un droit à être écouté ?

Au lieu de tirer des leçons, la page fut tournée trop vite, sans remise en question collective.


Un problème politique toujours ouvert

Depuis, le monde musulman peine à construire des systèmes politiques stables, où le pouvoir se transmet pacifiquement, où l’opposition peut s’exprimer sans être criminalisée, et où le peuple est partie prenante des décisions.

La question de la succession politique – ou de la gouvernance légitime – reste non résolue. Elle se répète sous d’autres formes jusqu’à aujourd’hui.

Conclusion : Comprendre notre histoire pour mieux vivre notre foi aujourd’hui

Ce récit ne vise pas à critiquer les Compagnons, mais à tirer des enseignements vivants .

Les premiers musulmans ont fait preuve de courage et d’engagement, mais ils ont aussi été confrontés à des défis qu’ils n’avaient jamais anticipés. Ils ont improvisé, parfois brillamment, parfois douloureusement.


L’histoire des premiers temps de l’islam n’est pas une série d’événements lointains à apprendre par cœur, mais un miroir qui nous parle de nos propres défis aujourd’hui.


Les Compagnons du Prophète ﷺ ont porté un idéal magnifique : justice, miséricorde, solidarité, consultation… Mais ils ont aussi été confrontés à des choix difficiles, à des conflits, à des zones d’ombre. Ils ont dû avancer sans manuels, sans modèle parfait, seulement avec leur sincérité, leur intelligence, et leur effort pour rester fidèles au message.


Ce que cette histoire nous enseigne c'est que :


  • Les principes de l’islam sont sublimes, mais leur mise en œuvre demande une intelligence et une vigilance continue.

  • Une société ne peut pas survivre sans institutions justes, sans consultation réelle, sans justice pour tous.

  • Étudier l’histoire, c’est apprendre à éviter les erreurs du passé pour construire un avenir plus stable, plus humain, plus fidèle à l’idéal prophétique.


Aujourd’hui, en tant que musulmans de France, nous avons un rôle à jouer :

  • Apprendre de notre histoire sans la figer, ni l'idéaliser,

  • Refuser la violence et les divisions,

  • Promouvoir la justice, la solidarité, la consultation et la paix,

  • Construire des ponts entre notre foi et les enjeux de notre époque.


Être musulman aujourd’hui, ce n’est pas seulement prier et jeûner, c’est aussi réfléchir, agir avec sagesse, et s’engager pour le bien commun, à l’image de ceux qui, après le Prophète ﷺ, ont essayé de porter haut le flambeau de l’islam dans un monde en pleine transformation.


 
 
 

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