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Où est l'Homme ?

Dernière mise à jour : 29 oct. 2023

Pour introduire l'un de ses poèmes en persan, "Asrâr-i-khoudi" (Les Secrets du Moi), Mohamed Iqbal cita les vers suivants empruntés à un autre poète, bien avant lui :

"La nuit dernière, nous avons vu le Sheikh errer dans la ville avec une lampe, disant : « J'en ai assez d'être parmi les démons et les bêtes, je recherche l'homme ». Je suis dégoûté de ne rencontrer que des faibles de cœur parmi les voyageurs comme moi. Je veux enfin rencontrer ce Lion de Dieu." Lorsqu'on lui a fait remarquer que ce qu'il cherchait était introuvable, il a répondu : "C'est précisément cela que je cherche".


Ces vers évoquent la quête inlassable de l'Homme pour trouver un sens à sa vie, pour rencontrer la vérité et l'essence même de son être, symbolisée ici par la figure du "Lion de Dieu".

L'auteur de ces vers a vécu il y a plusieurs siècles en Anatolie, un pays considéré comme étant à l'avant-garde du progrès et faisant partie du monde civilisé de l'époque.


Il est né au moment où le puissant royaume Seldjoukide y était fondé, et sa ville natale de Balkh située au nord de l'Afghanistan était surnommée la "Grèce de l'Orient". Sa contribution à la culture, en particulier à la littérature, est inestimable.

Dans les vers que nous avons cités, le poète s’est montré très critique envers l'humanité. Le vieil homme qui erre dans la ville avec une lampe n'est autre que lui-même, et la ville qu'il traverse est sa propre ville, pourtant considérée comme une ville lumière à l'époque. Malgré cela, il cherchait, au milieu d'une riche civilisation, quelqu'un qu'il pourrait véritablement appeler "homme".


La ville était caractérisée par des édifices, de somptueuses demeures, des jardins spacieux, une cuisine délicieuse et des manières raffinées, mais il n'y avait pas d'hommes vrais et authentiques.

Pour notre poète les habitants de la ville ne sont que des esclaves de leurs désirs et des victimes de leur sensualité, et ils ne sont en réalité que des semblants d'hommes, dépourvus de réelle humanité. Ils n'ont d'hommes que l'apparence.


Dans les sociétés modernes actuelles, dans lesquelles nous vivons aujourd’hui où tout est axé sur l’industrie, le commerce et la technologie, on ne peut que remarquer les avancées considérables des sciences qui ont permis à l'Homme de bénéficier de tout ce qu'il peut souhaiter en termes de confort et de luxe.

Dans ces sociétés animées qui regorgent de vie et où tout est en perpétuel mouvement, On est en droit de se poser la même question à l’instar du poète Seldjoukide, où est l’Homme ?

Où est l'Homme dont le cœur bat et les yeux pleurent pour le reste de l'humanité, celui qui est capable de maîtriser ses instincts et de contribuer à la création d'une civilisation florissante, plutôt que de n'être qu'un simple consommateur ?

Où est l'Homme qui se tourne vers son Créateur, et dont le cœur est rempli d'amour pour Lui et rempli de respect pour ses semblables ? Celui qui mène une vie saine, en harmonie avec sa nature, et qui connaît la joie profonde et durable en éprouvant un contentement légitime.


Où est l'Homme qui cherche à réduire les tensions et les conflits dans le monde, repoussant la cupidité des hommes et priant pour la prospérité de chaque pays et nation.


Où est l'Homme qui est prêt à aider plutôt qu'à exploiter, qui trouve plus de plaisir à nourrir les autres qu'à se nourrir lui-même, qui pense que le but de la vie n'est pas de manger, boire et s'amuser, alors que la famine fait souffrir et mourir ses voisins.

Où est l'Homme qui sait tirer des leçons de ses défaites, et fait preuve d'humilité dans ses victoires. Celui qui cherche à reconstruire l'humanité à l'échelle mondiale, plutôt que de vanter les développements de son propre pays au détriment des autres.


Où est l'Homme qui aspire à l'unité universelle sur la base de l'égalité entre tous les êtres. Qui se questionne sur son origine et sa destination, tout en étant reconnaissant envers le Seigneur, sachant qu'il retournera à la poussière, non pas comme une créature insignifiante, mais dans l'espoir d'une seconde vie afin de rendre compte de ses actes, car il a été pourvu d'intelligence et de capacités, sans lesquelles il n'aurait jamais conquis l'espace ni foulé de son pied la lune.

Extrait d’une intervention au Muslim Community Centre, à Chicago, le 19 Juin 1977, du savant indien Abu al-Hassan Nadwi

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