Pourquoi tant de musulmans passent à côté des objectifs profonds du Coran, malgré leur attachement à ses versets ?

Il existe une différence essentielle entre ce qui est immédiat et ce qui est ultime, entre les actes rituels que nous accomplissons au quotidien et les buts profonds que Dieu nous assigne à travers eux.

En méditant le Coran avec attention, on peut recenser pas moins de 22 grandes finalités (غايات) que le Livre met en lumière. 

Ces finalités ne sont pas des abstractions théoriques : ce sont des objectifs éducatifs, spirituels et sociaux, que Dieu a explicitement formulés pour guider notre cheminement.

Sur ces 22 finalités, seize concernent directement l’homme : elles touchent son cœur, sa pensée, son comportement, son lien aux autres et sa responsabilité dans le monde.

Les autres s’inscrivent dans une dynamique relationnelle entre l’homme et Dieu — comme la miséricorde divine ou la sagesse de l’épreuve.

Prenons deux exemples clairs : 

﴿ فَعَسَىٰٓ أَن يَرۡحَمَكُمُ ٱللَّهُ ﴾ 

« Peut-être Dieu vous fera-t-Il miséricorde… »  Ici, la miséricorde est un objectif visé, une promesse liée à certaines attitudes intérieures et extérieures. ﴿

لِيَبۡلُوَكُمۡ أَيُّكُمۡ أَحۡسَنُ عَمَلٗا

« Afin de vous éprouver et de révéler qui, parmi vous, accomplit les meilleures œuvres.» L’épreuve, souvent redoutée, est en réalité une opportunité divine pour faire émerger ce qu’il y a de meilleur en nous.

Or, cette architecture divine des finalités est largement absente de la plupart des ouvrages classiques de hadiths et de jurisprudence. 

Ces livres, si précieux soient-ils, ont été élaborés dans des contextes historiques spécifiques, souvent marqués par des urgences politiques, des controverses doctrinales ou des besoins sociaux circonscrits. Ils offrent une vision morcelée, fragmentaire, centrée sur les règles et les cas d’application, mais rarement sur la finalité globale.

Il ne s’agit ni de les rejeter comme le font certains, ni de les sacraliser en bloc, mais de les replacer à leur juste place : en aval du Coran. Car seul le Coran possède cette hauteur de vue, cette cohérence d’ensemble, cette pédagogie divine qui relie chaque prescription à une finalité. 

La foi véritable ne se limite pas à accomplir des gestes : elle consiste à comprendre pourquoi Dieu nous parle, et à quoi Il nous appelle.