Deux ans après l'installation du Prophète (PSL) à Médine, les premiers musulmans ont été appelés à faire preuve de solidarité avec les plus démunis, via une zakat nommée zakât el Fitr, marquant ainsi la fin du mois de Ramadan.
Le but affiché est double : Eviter aux plus démunis de tendre la main, en des jours de fête, leur permettant ainsi de participer à la joie collective. Le second est d'éduquer les musulmans à la générosité collective et à la compassion.
Mais la société médinoise va devoir faire face à de grands défis.
L’idée d’un Dieu Unique, Clément et Miséricordieux perçue par les polythéistes mecquois comme une menace existentielle va les pousser à la violence. ils ne vont donc pas hésiter à délester les musulmans de leurs biens, de leurs commerces et de leurs maisons.
L'arrivée massive de familles musulmanes à Médine fuyant les persécutions fût donc le premier grand défi posé à cette communauté naissante.
Dans un souci de solidarité, le Coran chargea Muhammad (PSL) de prélever de tout musulman une part de sa richesse dès qu'un certain seuil minimal ( nisab) est dépassé.
C'est la naissance de zakât el maal.
{ Prélève de leurs biens une Sadaqa par laquelle tu les purifies et les bénis, et prie pour eux. Ta prière est une quiétude pour eux. Allah est Audient et Omniscient}(9:103)
خذ من أموالِهِم صَدَقةً تُطَهِرهُم وتُزَكِّيهم بها.
Dans la conscience collective des premiers musulmans, la zakât évolue et cesse d'être un acte de charité pour devenir un devoir de solidarité et un droit légal du pauvre, visant la justice sociale.
C'est le but même de la descente de la révélation, nous dit le Coran :
{Nous avons envoyé Nos Messagers avec des preuves évidentes, et fait descendre avec eux le Livre et la balance, afin que les gens établissent la justice}(57/25).
Le hadith rapporté par Boukhari et Muslim vient confirmer cette vision.
Lorsque le prophète Muhammad (PSL) envoya Muadh ibn Jabal présenter l’islam aux tribus du Yémen, il lui dit : { …informe les que Dieu leur a prescrit une aumône (sadaqa) prélevée de leurs riches et redistribuée à leurs pauvres…}.
Une institution nommée bayt al maal (trésor public) verra ensuite le jour. La collecte de la zakât imposé au surplus des biens (or, argent, bestiaux, production agricole…) sera distribuée aux plus démunis selon des règles établies par le Prophète.
{ Mangez de leurs fruits, quand ils en produisent; et acquittez-en les droits le jour de la récolte. Et ne gaspillez point car Dieu n'aime pas les gaspilleurs} (6:141)
{وَءَاتُواْ حَقَّهُ يَوْمَ حَصَادِهِ وَلاَ تُسْرِفُوۤاْ إِنَّهُ لاَ يُحِبُّ ٱلْمُسْرِفِينَ }
Dans un souci d'équité un seuil minimal a été fixé (85g d'or), au dessus duquel, le musulman doit donner une fois par an la zakât fixée à 1/40 ème de sa richesse.
La zakât pour être agréable à Dieu, doit être donnée de bon coeur et viser la croissance et le bien être de la société.
C'est pour cela que Prophète n’a jamais fait appel à des inspecteurs pour contrôler les donateurs mais à des précepteurs qu’il a chargé de collecter et d'en expliquer les modalités, laissant le donateur face à sa conscience.
Les mises en garde du Coran à l’encontre de ceux qui se laisseraient dominer par la cupidité sont largement suffisantes pour un croyant sincère.
{Annonce à ceux qui thésaurisent or et argent, au lieu de les consacrer à la Cause de Dieu, un châtiment douloureux, le jour où ces métaux seront portés à l’incandescence dans le feu de l’Enfer et appliqués sur leurs fronts, leurs flancs et leurs dos : «Voici, leur sera-t-il dit, ce que vous thésaurisiez pour vous-mêmes ! Savourez donc ce que vous avez thésaurisé !} (9/34)
والذين يكنزون الذهب والفضة ولا ينفقونها في سبيل الله فبشرهم بعذاب أليم
Dis-leur : «…Servez Dieu avec droiture et implorez Son pardon ! » Malheur à ceux qui Lui donnent des égaux, qui ne s’acquittent pas de la zakât et qui s’obstinent à renier la vie future !
وَوَيْلٌ لِلْمُشْرِكِينَ * الَّذِينَ لا يُؤْتُونَ الزَّكَاةَ وَهُمْ بِالآخِرَةِ هُمْ كَافِرُونَ
Plus tard, les pauvres et les indigents ne seront plus les seuls à bénéficier de la zakât. Afin d'assurer le développement de la cité médinoise, la zakât collectée sera élargie à d’autres catégories.
Ainsi dans la sourate 9 verset 60 il est dit : { Les dons (sadaqa) ne sont destinés que pour les pauvres, les indigents, à ceux qui sont chargés d’en assurer la collecte, à ceux dont les cœurs sont à gagner, au rachat de ceux qui sont asservis, à ceux qui sont lourdement endettés, à ceux qui se consacrent à la cause de Dieu et aux voyageurs en détresse. C’est là un arrêt de Dieu, et Dieu est Omniscient et Sage.}(9/60)
إِنَّمَا ٱلصَّدَقَـٰتُ لِلۡفُقَرَاۤءِ وَٱلۡمَسَـٰكِینِ وَٱلۡعَـٰمِلِینَ عَلَیۡهَا وَٱلۡمُؤَلَّفَةِ قُلُوبُهُمۡ وَفِی ٱلرِّقَابِ وَٱلۡغَـٰرِمِینَ
وَفِی سَبِیلِ ٱللَّهِ وَٱبۡنِ ٱلسَّبِیلِۖ فَرِیضَةࣰ مِّنَ ٱللَّهِۗ وَٱللَّهُ عَلِیمٌ حَكِیمࣱ
L'imam Al-Mawârdi, considère que les mots sadaqa et zakât cités dans les textes sacrés sont des synonymes car “toute sadaqa est zakât et toute zakât est sadaqa, les noms diffèrent mais le sens est le même”.
الصَّدقة زكاة، والزَّكاة صَدقة يَفترق الاسم ويتَّفِق المسمّى
Les objectifs de la zakât d'après ce verset sont multiples :
Lutter contre la pauvreté.
Combattre la misère.
Pérenniser les actions de collecte et de distribution.
Accompagner [ceux dont les cœurs sont à gagner] à savoir les nouveaux musulmans.
Faire reculer un système économique tribal fondé sur l’esclavage en donnant pour [ le rachat de ceux qui sont asservis].
Libérer du surendettement en donnant à [ ceux qui sont lourdement endettés].
Soutenir [ceux qui se consacrent à la cause de Dieu] et œuvrent pour assurer la paix, la défense de la cité de Médine et dissuader d'éventuels envahisseurs.
Venir au secours des [voyageurs en détresse]
A la lumière de ces éléments historiques, on peut affirmer que la zakât ne se réduit à un impôt, encore moins à un acte de charité ponctuel, aussi louable soit-il !
La zakât dans le Coran est un pilier de la pratique cultuelle, indissociable de la prière , vise la justice sociale et donne force au projet miséricorde pour l'univers porté par le Prophète Muhammad (PSL).
Ce dont ont le plus besoin les pauvres et les orphelins, c'est d'une société qui leur assure une vie décente et d'une justice sociale qui préserve leur dignité et ce quel que soit leur confession.
Quand on sait que certains actes de charité ne font au final que renforcer la misère, en encourageant les pauvres à s'installer dans la mendicité, voir à en faire une profession !
Ceux qui portent la foi doivent s'interroger sur leurs responsabilités et ne pas se contenter de ressentir de la compassion ou de donner pour donner mais doivent unir leurs efforts et leurs intelligences afin de transformer les dons en des projets qui contribuent réellement au développement social, éducatif et moral de ceux qui souffrent le plus dans la société.
C'est le sens de la zakât à laquelle appelle le Coran.
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