Louange à Dieu, Maître de la création. Nous témoignons qu’il un seul Dieu, Clément et Miséricordieux et que Muhammad (Paix sur lui) est son Messager. Chers frères et sœurs en islam, je vous recommande ainsi qu’à moi-même la piété et la gratitude du Très Haut.
Ce vendredi, notre discours sera consacré au troisième récit de la sourate Al-Kahf, où le Coran nous emmène dans un voyage au cours duquel Moïse fait une rencontre singulière.
Il s'agit d'un homme pieux à qui Dieu a accordé une miséricorde de Sa part et lui a enseigné une science émanant de Lui. Selon un hadith authentifié par Al Bukhari, cet homme s'appelle Al Khidr.
Moïse se retrouve ainsi en compagnie d'un homme doté d'un savoir empreint de sagesse et de compassion, dont les actions sont inspirées par Dieu, comme il le dit lui-même dans le Coran : "Et je n'ai pas fait cela de mon propre chef."
وَمَا فَعَلۡتُهُۥ عَنۡ أَمۡرِیۚ
Cette rencontre n'est pas le fruit du hasard. En tant que guide, Moïse doit relever les défis externes auxquels sa communauté est confrontée et résoudre les tensions internes pour éviter que les relations humaines ne dégénèrent en conflits.
C'est précisément pour cette raison qu'il a été envoyé, comme il est dit dans le Coran : "Et Nous avons fait descendre avec eux le Livre et la Balance, afin que les gens établissent la justice."
وَأَنزَلْنَا مَعَهُمُ ٱلْكِتَٰبَ وَٱلْمِيزَانَ لِيَقُومَ ٱلنَّاسُ بِٱلْقِسْطِ
Transmettre les valeurs du message (le Livre) et établir l'équilibre (Al-Mizane) (la Balance) dans toutes choses sont donc les deux ailes du bien (la Rahma).
La sagesse réside donc, dans des prises de décision qui visent à équilibrer le matériel et le spirituel pour créer une société humaine juste et forte.
Reconnaissant l'immense valeur du savoir détenu par Al-Khidr, et malgré son statut de Prophète, Moïse n’hésite pas à demander humblement la permission de l'accompagner pour apprendre de lui : "Puis-je te suivre pour que tu m’enseignes le savoir éclairé auquel tu as été initié ?"
قَالَ لَهُۥ مُوسَىٰ هَلۡ أَتَّبِعُكَ عَلَىٰۤ أَن تُعَلِّمَنِ مِمَّا عُلِّمۡتَ رُشۡدࣰا
Mais comme tout apprentissage demande des efforts, de la patience et de la persévérance, Al-Khidr pose une seule condition à Moïse, celle de ne pas se précipiter pour poser des questions, et le prévient : "Tu ne pourras sûrement pas demeurer patient en ma compagnie. Comment pourrais-tu être patient face à des situations que tu ne peux comprendre ?"
قَالَ إِنَّكَ لَن تَسْتَطِيعَ مَعِىَ صَبْرًۭا وَكَيْفَ تَصْبِرُ عَلَىٰ مَا لَمْ تُحِطْ بِهِۦ خُبْرًۭا
Malgré cet avertissement, Moïse affirme sa détermination : "Si Dieu le veut, tu me trouveras patient et je ne te désobéirai en rien."
قَالَ سَتَجِدُنِىٓ إِن شَآءَ ٱللَّهُ صَابِرًۭا وَلَآ أَعْصِى لَكَ أَمْرًۭا
Al-Khidr accepte alors de le prendre sous son aile, mais réaffirme sa condition de manière stricte : "Si tu me suis, ne m’interroge sur rien tant que je ne t’en parlerai pas moi-même."
قَالَ فَإِنِ ٱتَّبَعْتَنِى فَلَا تَسْـَٔلْنِى عَن شَىْءٍ حَتَّىٰٓ أُحْدِثَ لَكَ مِنْهُ ذِكْرًۭا
Ainsi débute un voyage d’apprentissage intense, où la patience et la confiance deviennent des clés essentielles pour accéder à un savoir profond et transformateur.
Moïse se trouve confronté à trois situations qui vont complètement le déstabiliser et défier sa compréhension du monde, le poussant chaque fois à poser des questions malgré son engagement de ne pas le faire.
Lors de ce voyage initiatique, Al-Khidr accomplit des actions qui paraissent incompréhensibles, voire choquantes aux yeux de Moïse. D'abord, il endommage délibérément un bateau de pêcheurs, risquant de le faire couler et de mettre en danger l'équipage : "As-tu endommagé ce bateau pour que son équipage se noie ? Voilà qui est bien terrible !"
قَالَ أَخَرَقْتَهَا لِتُغْرِقَ أَهْلَهَا لَقَدْ جِئْتَ شَيْـًٔا إِمْرًۭا
Ensuite, Al-Khidr tue un enfant, un acte qui semble injustifiable car cet enfant est innocent : "As-tu tué une âme pure et innocente ? Voilà une chose monstrueuse !"
قَالَ أَقَتَلْتَ نَفْسًۭا زَكِيَّةًۢ بِغَيْرِ نَفْسٍۢ لَّقَدْ جِئْتَ شَيْـًۭٔا نُّكْرًۭا
Enfin, ils arrivent dans un village où les habitants refusent de les accueillir. Malgré cela, Al-Khidr décide de réparer un mur prêt à s'effondrer, sans demander aucune rémunération : "Si tu l’avais voulu, tu aurais pu demander une récompense pour ce travail."
فَوَجَدَا فِيهَا جِدَارًۭا يُرِيدُ أَن يَنقَضَّ فَأَقَامَهُۥ ۖ قَالَ لَوْ شِئْتَ لَتَّخَذْتَ عَلَيْهِ أَجْرًۭا
Finalement, incapable de retenir ses questions et de patienter comme il s’y était engagé, Moïse doit accepter la séparation.
Mais Al-Khidr, avant de partir, lui donne des explications qui révèlent la profondeur de sa sagesse.
Il explique que le dommage causé au bateau visait à protéger les pauvres pêcheurs : un roi pirate était tout proche, prêt à s’emparer de tout navire en bon état. Endommager le bateau leur a permis de garder leur outil de travail.
Concernant l’enfant, Al-Khidr révèle qu’il aurait grandi pour devenir une source de grande souffrance et de corruption pour ses parents et autrui. Sa mort, aussi tragique soit-elle, visait à préserver un plus grand bien.
Enfin, la réparation du mur n’était pas un simple acte de charité, mais un geste de protection pour deux jeunes orphelins : le mur cachait un trésor et Dieu voulait que ces deux enfants atteignent leur maturité et récupèrent leur bien avant qu'il ne soit découvert par des personnes malhonnêtes.
Ainsi, derrière chaque acte d’Al-Khidr se cachait une sagesse profonde, une leçon sur la véritable nature de la patience et de la confiance en Dieu. Moïse, bien que Prophète, devait apprendre à faire preuve d'humilité et à ne pas tirer de conclusions rapides sur des situations complexes car parfois, le sens des événements dépasse notre capacité immédiate à le saisir.
Quelles leçons pouvons-nous tirer aujourd'hui ? À une époque où nous vivons immergés dans l'océan des réseaux sociaux, où informations et désinformations circulent à la vitesse de la lumière, comment devons-nous réagir ?
La tendance actuelle est de juger et décider dans l'urgence, de manière impulsive et sans discernement. Mais n’est-il pas devenu urgent de cultiver l'humilité et la patience?
D'apprendre à regarder au-delà des apparences, d'apprendre à se taire et à observer, à dépasser l'instantané pour évaluer chaque mot et chaque action à la lumière de la foi et de la raison, afin de choisir la meilleure décision possible. Apprendre à cultiver la confiance en Dieu et la confiance en la capacité des hommes à grandir en humanité.
Amr ibn al-As, grand compagnon du Prophète (paix sur lui), disait que le véritable sage n'est pas celui qui distingue simplement le bien du mal, mais celui qui sait choisir le meilleur des deux biens et le moindre des deux maux.
Il disait également que celui qui maintient les liens n’est pas celui qui se contente d'entretenir des relations avec ceux qui lui rendent la pareille, mais celui qui renoue les liens avec ceux qui les ont rompus.
N'est-ce pas là l'exemple de notre bien-aimé Prophète ? À La Mecque, face à l'adversité, il a transformé chaque difficulté en opportunité de paix et d'unité. Il a planifié la migration vers Médine avec sagesse et, plus tard, malgré la guerre qui s’est imposée à lui, a signé un pacte de paix qui, en apparence, semblait défavorable aux musulmans, mais qui s'est révélé être une ouverture immense pour l'avenir (Fath Al-Houdaybiya).
Ce magnifique récit de la sourate Al-Kahf fait allusion à l’importance des sciences qui se développeront bien plus tard : les sciences de la futurologie, également appelées sciences de la prospective.
En tant que parents, il nous enseigne que les meilleures décisions pour l’avenir se prennent dès maintenant.
Face aux multiples futurs possibles de l’intelligence artificielle, il est impératif de nous former, mais aussi de préparer nos enfants à utiliser ces outils de manière éclairée.
Nous avons le devoir de les protéger, lorsqu'ils sont jeunes, d'une surexposition aux écrans, qui détruit leur capacité à se concentrer, à patienter et à communiquer de manière authentique.
Pour cela, nous devons créer des espaces et des ateliers où enseignants, parents et jeunes aiment venir apprendre la sagesse, développer leur patience, affiner leur réflexion critique et équilibrer les valeurs spirituelles et morales.
Ces espaces doivent inciter nos jeunes à imaginer et planifier l’avenir. Ainsi, nous leur donnons l'envie et les moyens de devenir des sources de bénédiction, non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour leur communauté et pour l’humanité tout entière.
Ô Allah! Nous te demandons Ton amour, l’amour de ceux qui T’aiment, l’amour de tout acte qui nous rapproche de Ton amour. Fais que ce que tu nous as enseigné nous soit utile, enseigne nous ce qui est utile et accroît notre savoir et notre patience. Amine.
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